Ma bohême (fantaisie)
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh !là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse,
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre, où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
Arthur Rimbaud
Les cahiers de Douai
Publié le 21/11/2013